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Corps de métiers et transmission des savoirs

Dernière mise à jour : 20 avr. 2021



Selon les travaux de l'architecte, des Corps de métiers très qualifies ont développé l'art de travailler ensemble et de transmettre leurs connaissances, leurs savoir-faire.


Commanditaires et donneurs d’ordres, les évêques et les chanoines tiennent les cordons de la bourse (camérier) et veillent à ce que les revenus soient suffisants pour un financement continu du chantier (Certains vont durer deux cent cinquante ans). Ils sont les premiers contributeurs au projet. Les ressources complémentaires proviennent des familles royales, des membres de la noblesse, du clergé ou de la bourgeoisie (Ceux qui habitent le bourg, qui ont les droits de cité). Pres de la moitié du budget est consacré aux salaires, le reste concerne la fourniture de matériaux, leur transport. La main-d’œuvre est qualifiée, rémunérée en conséquence, selon la nature et l'importance du métier.


L'architecte, expert anonyme et dessinateur d'épures


Dans un formulaire de la seconde moitié du XIIème siècle, le roi Philippe-Auguste prévient : « Il n’y aura jamais de construction noble si l’architecte est ignoble ». Sur le chantier, l’architecte doit savoir susciter une adhésion au projet et mobiliser toutes les ressources. Il veille à ce que chaque corporation voie son rôle et sa contribution pleinement reconnus. Il doit donc comprendre et mettre en synergie toutes les expertises en présence : tailleurs de pierre, sculpteurs, maitres verriers, plâtriers et morteliers, ébénistes, forgerons, charpentiers. Il n’est pas rare qu’il mette la main à la pate pour aider les compagnons, en fonction de sa formation, à sculpter ou à tailler la pierre ou le bois, à bâtir la charpente. Tous – architecte et compagnons – appartiennent à la même communauté d’hommes de métier, hiérarchisée mais fraternelle, ou celui qui dirige peut parfois se mêler aux autres.


Les architectes sont les plus grands experts de l’époque et les commanditaires n’hésitent pas, dans certaines circonstances, à débaucher les meilleurs à prix d’or. Leur compétence est essentielle car ils sont les seuls capables de passer du plan – des dessins au sol, souvent grandeur nature, appelés épures – à l’élévation. Ce «secret des maitres maçons» – dont ils sont détenteurs – indique leur capacité à concevoir tous les aspects d’un chantier en partant seulement d’un plan, pour passer aux volumes. L’épitaphe de Pierre de Montreuil (1200-1267), l’un des architectes de Notre-Dame de Paris, le désigne comme doctor lathomorum, docteur des maçons, à l’égal des savants les plus diplômés. Rares, pourtant, sont les architectes dont le nom est passé à la postérité. Et pour cause, quand ils commencent un chantier, ils savent qu’ils ne le verront pas terminé: ils ne sont pas dans une logique de valorisation personnelle, mais plutôt de transmission d’un savoir-faire.


Il y a toujours une exception à la règle: les quatre noms des architectes de la cathédrale de Reims étaient gravés au plomb sur le labyrinthe qui ornait le dallage de la nef (détruit en 1778): Jean d’Orbais, Jean Le Loup, Gaucher de Reims et Bernard de Soissons.


Le parlier, clé de voûte qui coordonne les corporations


L’architecte confie ses épures à son bras droit, l’appareilleur, appelé aussi parlier. Comme son nom l’indique, ce dernier «parle» : maitrisant les différents dialectes utilisés sur le chantier, il transmet à l’ensemble des collaborateurs les éléments techniques nécessaires. Artisan de la transversalité, il représente la clé de voute du système. Autour du schéma de l’architecte, il fait venir chaque corporation pour s’assurer que chacune comprend parfaitement son rôle dans la globalité du projet. La construction des rosaces des cathédrales symbolise cet ensemble : aux artisans maçons le soin d’élaborer le tour en maçonnerie, aux artisans forgerons celui de confectionner les barres latérales avant que les maitres verriers ne calibrent les vitraux.




Le parlier s’assure que les différents métiers communiquent en permanence, pour éviter, par exemple, qu’une structure ne vienne cacher la face d’une statue ou d'un ornement. En amont, il est le gardien de la cohérence du projet. C’est lui qui dessine les gabarits, optimise les ressources et engage les ouvriers (plusieurs centaines sur certains chantiers). Sur ces chantiers hautement spécialisés, un petit pourcentage des travailleurs vivent dans la région. Les autres viennent de partout, y compris de l’étranger. Les tailleurs de pierre et les maçons sont les artisans les plus recherchés du Moyen-Age. Leur salaire peut représenter le tiers de celui d’un architecte. Ils constituent une main-d’œuvre mobile et créative, qui se déplace à travers toute l’Europe. Ils apportent non seulement leur force de travail mais aussi les solutions innovantes élaborées sur les autres chantiers.



Le maçon et les tailleurs de pierre, une transmission du savoir-faire


Le maçon a pour charge essentielle de monter les murs ; c'est à dire d’asseoir la pierre, de la poser, de la coucher et enfin de la cimenter . Toutefois dans les textes du Moyen-Age, la confusion n'est pas rare entre les termes désignant le maçon et le tailleur de pierre. Ceci en raison de similitudes dans le travail et de la polyvalence des bâtisseurs sur les chantiers. Par contre il existe un maître-maçon dit « supérieur » qui sait tailler la pierre. De même, il y a parfois des maçons plus fortunés qui endossent le rôle d'entrepreneur et conduisent de petits chantiers, à forfait.



Leur journée de travail se déroule autour de la loge ou ils viennent chercher leurs outils, déjeuner et faire la sieste. Les jours de mauvais temps, ce lieu couvert permet de poursuivre l’activité de taille. On y discute du métier.


Des amicales d’entraide voient le jour. Pour transmettre leur savoir-faire, les corporations développent des formations internes. La stratégie d’apprentissage intègre trois dimensions : l’auto-formation, les échanges d’expertise et l’accompagnement personnalisé d’un nouveau collaborateur, l’objectif étant de déployer le potentiel de chacun.


« Toute parole reçue que tu n’as pas transmise est une parole volée », telle est la devise des Compagnons du devoir, héritiers des bâtisseurs de cathédrales. A cette époque de construction grandiose succède une longue période de misère, due à la guerre de Cent Ans. La plupart des chantiers sont abandonnés.


Mais la geste des bâtisseurs – transmise de bouche à oreille, de maitre à élevé – a survécu ;

Le compagnonnage a conservé leurs valeurs originelles et une vision des projets conjuguant innovation technique et accomplissement des hommes. Dans les symboles remis au cours de l’initiation, le compagnon «tailleur de pierre du Devoir» reçoit la cathédrale, expression de l’unité entre la main et la pensée.

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